Le débat sur la règle d’or bat son plein. C’était l’objectif de Nicolas Sarkozy qui tente, avec cette proposition, d’échapper à sa propre responsabilité dans la grave crise financière qui frappe notre pays.
Sur le fond, le Parti socialiste a raison de dénoncer une règle … qui ne règle rien. Peu contraignante, en tous les cas beaucoup moins que celle adoptée par les allemands, la règle d’or « à la française » ne s‘appliquerait, de surcroît, qu’à compter de 2013. Autant dire une éternité pour des marchés qui attendent des réponses rapides sur la situation de la France et de l’Europe. La France aurait le temps de perdre plusieurs fois son triple A, avant que la règle d’or ne s’applique !
Mais, le Président de la République trouve dans cette mesure l’occasion de reprendre l’offensive, alors qu’il est interpellé et chahuté par une brusque accélération de la crise. L’avenir dira si les Français ont été dupes de cette grosse ficelle.
En attendant, c’est une crise, d’une rare gravité, qui secoue l’Europe et la France. Nous sommes passés, en effet, cet été, tout près de la catastrophe. Ce n’est qu’au prix d’une massive intervention de la BCE, décidée en urgence, que la contagion de la crise grecque à l’Italie, à l’Espagne, voire à la France a pu être évitée. On peut, toujours, dénoncer les « marchés » et les agences de notation, leur fébrilité et leur inconséquence. Mais, en l’occurrence, il faut bien reconnaître que les interrogations qu’ils portent sont amplement justifiées. Il n’est pas illégitime qu’un investisseur, lorsqu’il achète un titre, ait un minimum de garantie sur sa solvabilité !
L’approfondissement de la crise que nous connaissons s’explique d’abord par l’indécision européenne et, en France, par le manque de crédibilité de l’assainissement des finances publiques.
En dépit des mesures annoncées lors du Conseil européen du 21 juillet dernier, l’Europe ne dispose toujours pas d’un mécanisme global de résolution des crises, c’est à dire d’un dispositif capable de faire face à la défaillance de n’importe quel Etat européen. Le fond européen de solidarité financière qui a été renforcé et dont les règles d’intervention ont été légèrement assouplies, peut venir en secours de la Grèce, de l’Irlande ou du Portugal, mais n’est pas configuré pour sauver l’Italie ou l’Espagne, et encore moins la France. Depuis des mois, le FMI insiste sur la nécessité pour l’Europe de se doter d’un instrument de résolution des crises suffisamment crédible pour rassurer les marchés et dissuader la spéculation sur les dettes souveraines. Force est de constater qu’il n’existe toujours pas. En l’absence de cet outil, c’est la BCE qui joue le rôle de garant des dettes en dernier ressort. Mais celle-ci considère que ce n’est pas sa mission et demande instamment aux Etats « de prendre leurs responsabilités » comme l’a déclaré Jean Claude Trichet. D’où l’extrême tension qui a marqué la préparation du sommet européen de juillet. Comment être optimiste et rassuré devant une telle confusion ? D’autant plus, que l’on apprend que certains pays européens, la Finlande notamment, ont demandé des garanties supplémentaires à la Grèce en échange de leur participation au Fond de stabilité. De quoi accentuer les inquiétudes des marchés !
Dans cette crise, la dette française a été, pour la première fois, dans la ligne de mire des marchés. On a même pu craindre, qu’après celle des Etats Unis, la note française soit également dégradée. Il y a certainement de la légèreté et de l’irrationalité dans cette dépréciation. Mais celle-ci s’est également nourrie des incertitudes qui pèsent sur la volonté réelle du gouvernement Français de respecter ses engagements européens en matière budgétaire. La France s’est engagée à revenir à un déficit budgétaire de 3% du PIB dès 2013.
Pour cela, elle a présenté, en mai dernier, à la Commission européenne un programme dit « de stabilité » afin de définir la stratégie pour parvenir à cet objectif. Le scénario retenu était manifestement surévalué en terme de croissance, puisqu’il était fondé sur des perspectives de croissance de 2% en 2011, 2,25% en 2012 et 2,5% en 2013. Des chiffres inatteignables au regard des performances récentes de l’économie française. Beaucoup ont souligné l’irréalisme de cette proposition à l’Assemblée nationale comme au Sénat, où Philippe Marini, rapporteur spécial du budget l’a dénoncée vertement.
La Commission européenne n’a évidemment pas manqué de réagir dans l’avis qu’elle a rendu sur ce programme de stabilité, en soulignant « que le scénario macroéconomique sur lequel se fondent les projections budgétaires est trop optimiste » et en considérant « qu’en l’absence de mesures supplémentaires, il ne peut pas être garanti que le déficit excessif sera corrigé en 2013 au plus tard ». Il n’est pas étonnant, que dans ce contexte, les marchés se posent certaines questions quant à la détermination de la France à réduire ses déficits !
En réalité, le Président de la République et sa majorité ont fait le choix de différer les mesures d’ajustement jusqu’à l’élection présidentielle, estimant probablement que celles-ci seraient trop impopulaires ou qu'elles les conduiraient à revenir sur leurs engagements de début de mandature. Ce faisant, ils exposent dangereusement notre pays à la sanction des marchés. Cette stratégie ne peut qu’alimenter le doute sur la dette de la France dans les semaines et les mois qui viennent.
Ce n’est pas d’une règle d’or en 2013, dont nous avons besoin, mais de décisions immédiates et déterminées pour éteindre un incendie qui couve et qui menace, à chaque moment, d’embraser notre pays.