Une question semble préoccuper l’entourage du Président de la République et sans doute lui même ; doit-il rencontrer les parlementaires de sa majorité ?
Etant potentiellement directement concerné par la réponse à cette question, je me permets de donner ici mon avis.
Pour moi, il ne fait aucun doute que le Président de la République doit prendre cette initiative. C’est une conviction déjà ancienne. Je n’avais pas apprécié l’hostilité de principe des socialistes à la révision constitutionnelle de 2008, même si je n’étais pas dupe de l’avantage politique que Nicolas Sarkozy en escomptait. Malgré tout, cette réforme tirait les conséquences de l’évolution présidentielle du régime qui depuis les débuts de la 5ème République n’a cessé de s’affirmer avec, notamment, l’adoption du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral. Cette évolution nécessite de reconnaître le rôle politique du Président de la République et corrélativement de renforcer les pouvoirs du Parlement. C’est ce double mouvement qui peut redonner à nos institutions un équilibre satisfaisant. Nicolas Sarkozy s’était emparé du sujet, mais comme souvent, il y chercha surtout un moyen de conforter son leadership. Les rencontres des parlementaires à l’Elysée sont vite apparues comme une volonté de mettre au pas le Parlement et la majorité. La gauche s’en est offusquée et son candidat les a condamnées.
Pour autant, ces rencontres sont-elles illégitimes ?
On notera que dans tous les pays européens le leader du parti au pouvoir rencontre régulièrement les parlementaires qui le soutiennent. Angela Merkel est devant son groupe chaque semaine, comme David Cameron ou d’autres. Je n’ignore rien de ce qui sépare les régimes parlementaires de ces pays du nôtre dans lequel le chef de la majorité est le Premier ministre. Mais, il est quand même curieux de voir que ceux chargés de mettre en œuvre la politique du Président ne peuvent s’entretenir avec lui dans une forme collective ! J’avais ressenti cette invraisemblance lorsque François Hollande, élu mais pas encore Président, était venu devant le Conseil National du Parti socialiste faire ses adieux, en quelque sorte. Il nous avait longuement et sincèrement remerciés, pour conclure que désormais on ne le verrait plus, au moins pour les cinq ans à venir. Cette rupture revendiquée du lien entre lui et nous m’avait parue excessive et injustifiée. Le rétablissement d’un équilibre plus satisfaisant dans la pratique du pouvoir ne signifie pas qu’il soit nécessaire d’endosser la dimension monarchique de celui-ci. D’ailleurs, « la présidence normale » est, selon moi, autant une critique des dérives de l’hyper présidence de Nicolas Sarkozy que de la présidence sacralisée et distante que François Mitterrand et Jacques Chirac tentèrent d’incarner sur les conseils de Jacques Pilhan. La « présidence normale » c’est une conception de la démocratie ouverte, dans laquelle le dialogue avec les parlementaires a toute sa place.
Il n’y a donc pas de raison de refuser au Président de la République la possibilité de rencontrer les parlementaires de sa majorité, dès lors que cela se fait dans le respect réciproque. Ce dialogue me semble particulièrement nécessaire dans une période difficile. En politique aussi la distance peut créer la défiance. Entendre le principal inspirateur de la politique que les parlementaires mettent en œuvre peut permettre de dissiper les incompréhensions et les malentendus.