Christophe Caresche est député socialiste de Paris. Classé parmi les réformistes et les sociaux-démocrates du Parti socialiste, il critique vivement le texte adopté par le bureau national du parti mardi 9 juillet, qui fixe des limites à la future réforme des retraites. Un texte qu'il considère "mauvais" et "sans ambition".
Comment jugez-vous le texte d'orientation sur les retraites adopté mardi 9 juillet par le Parti socialiste ?
C'est un mauvais compromis entre la majorité du parti et l'aile gauche qui est sur-représentée au sein des instances. Il n'ouvre aucune perspective de modification systémique des retraites. Le système actuel est illisible pour les Français et profondément inégalitaire. J'attendais que mon parti ouvre ses perspectives, mais son projet ne propose que de s'attaquer au problème de financement immédiat des régimes de retraites. Il écarte toute mesure autre que l'augmentation des hausses de cotisations. L'effort serait donc porté exclusivement sur les actifs et sur lesentreprises, ce qui n'est pas raisonnable et qui est injuste. En faisant cela, on taxe le pouvoir d'achat des actifs et le travail. Ce n'est pas parce que le Medef le dit que c'est forcément faux.
Défendez-vous la désindexation des pensions que le PS rejette dans son texte ? Avec d'autres députés socialistes, nous allons faire des propositions dans les semaines prochaines. Dans le texte du PS, l'alignement de la fiscalité des retraités sur celle des actifs est à peine reprise. Cette piste devrait pourtant être mise en œuvre. Depuis des années, on fait reposer l'effort sur les jeunes actifs qui vont payer pour les générations du baby boom qui arrivent à la retraite et qui en plus ont une perspective de dégradation de leurs pensions. Il faut arrêter de ponctionner les actifs et aller au contraire vers l'alignement. Soyons courageux ! Augmenter les cotisations, ça se voit moins qu'augmenter les impôts, mais ce n'est ni acceptable ni courageux.
Estimez-vous que le gouvernement est engagé par les lignes rouges tracées par le PS ? Ce n'est pas ce qu'a dit la ministre des affaires sociales Marisol Touraine et ça me rassure. Ce que dit le Parti socialiste n'est pas l'alpha et l'oméga de la réforme. Il a gommé tout ce qui pouvait être ambitieux pour obtenir l'approbation de l'aile gauche et ses lignes rouges ferment énormément de portes. Mais le débat n'est pas terminé et le groupe parlementaire aura lui aussi son mot à dire à la rentrée lors de l'examen du projet de loi.
Quelles pourraient être les pistes d'une réforme ambitieuse à vos yeux ? Par exemple, il n'y a aucune raison à continuer de faire profiter les retraités d'avantages fiscaux alors que leur niveau de vie est supérieur à celui des actifs. Il faut oser poser la question intergénérationnelle dans la réforme des retraites et ne pas se contenter seulement de se tourner vers les entreprises. La compétitivité de nos entreprises continue à se dégrader. Les impacter encore un peu plus est une aberration.
Mais la crise actuelle et ses conséquences sociales permettent-elles de faire une réforme de cette ambition ? Nous avons été élus pour cinq ans. Si la réforme concerne uniquement la première année de la législature, alors on ne fera jamais rien dans ce pays. Il faut au contraire la faire dans la durée, comme la Suède qui a mis plusieurs années à aboutir à un résultat. On pourrait tout à fait avoir une réforme en deux temps. Un premier temps immédiat, en pesant le moins possible sur les cotisations, puis engager, dans un second temps, un processus de négociation pour essayer d'aboutir à une réforme systémique. C'est ce que propose la CFDT. Une réforme ambitieuse serait à l'honneur de la gauche.
Est-ce politiquement possible à moins d'un an des élections municipales ? Personne ne demande que l'on ait un résultat avant les municipales, mais simplement que l'on ouvre les discussions. Rester le nez bloqué sur les élections intermédiaires est une manière très réductrice d'aborder ces échéances. C'est ce que fait l'aile gauche du PS qui est dans une position très conservatrice et démissionnaire. La majorité du parti n'est pas suffisamment représentée ni dans le débat politique ni dans celui du parti. Elle est profondément unie autour de la ligne social-démocrate alors que son aile gauche, qui est reçue par le président de la République et par le premier ministre, fait la course à l'échalote avec Jean-Luc Mélenchon. Cette ambiguïté permanente affaiblit considérablement notre message politique. On a le réformisme honteux, alors que sur les retraites on pourrait faire la démonstration du contraire.