J'ai présenté un rapport sur le G20 à la commission des affaires européennes le 4 octobre 2011.
J’ai, en effet, été missionné, avec quatre autres de mes collègues (Bernard Deflesselle, Michel Herbillon, Robert Lecou, députés UMP et Jérome Lambert, député socialiste), par cette commission parlementaire, pour suivre la préparation du G20, dont la présidence a été confiée à la France, pour l’année 2011. Le sommet des chefs d’Etat et de gouvernements, apogée de ce processus, se réunira à Cannes les 3 et 4 novembre prochain.
Que faut-il en attendre ?
La réponse à cette question est à rechercher dans la nature même de cette enceinte, censée privilégier les échanges, directes et informelles, entre Grands de ce monde. Le G20, héritier directe du G7, puis du G8, est l’aboutissement, au moins provisoire, de cette diplomatie de « club », ou de « connivence », selon l’expression de Bertrand Badie, qui vient de publier un excellent livre sur « les dérives oligarchiques du système international ». Cette diplomatie, dont la France a été, par deux fois, l’inspiratrice, avec Valéry Giscard d’Estaing au moment de la création du G7, puis avec Nicolas Sarkozy, lorsque le G20 s’est hissé au niveau des chefs d’Etat, vise, plus, à gérer intelligemment les antagonismes entre Etats qu’à bâtir des compromis et à apporter des solutions pérennes. Ces réunions qui peuvent donner le sentiment de se saisir des problèmes et de les traiter, aboutissent rarement, dans les faits, à des prises de décision précises et suivies. Dans le G20, rien n’est contraignant pour les Etats participants, ni l’ordre du jour, qui peut varier jusqu’au dernier moment, ni les décisions dont l’application relèvent du bon vouloir de chacun. Dans ce contexte, le G20 peut délivrer un message fort et rassurant, comme ce fut le cas en 2008, au cœur de la tempête financière, mais il s’avère incapable d’imposer un calendrier de réformes et de s’y tenir.
La Présidence française semble avoir pris conscience de cette limite. Elle cherche, manifestement, à faire du G20, non seulement un forum informel et réactif, mais aussi une enceinte prospective et décisionnelle. Il s’agit, selon l’expression française de passer d’un G20 de « gestion de crise » à un G20 de « construction ». Elle a, pour cela, présenté un ordre du jour ambitieux qui ne se contente pas de saisir l’air du temps, mais qui propose d’engager une réflexion de long terme sur les déséquilibres mondiaux dans les domaines économiques, financiers et monétaires. Sur tous ces sujets, un travail important, a été engagé, avec les pays du G20 eux mêmes, dont certains on été chargés de produire des rapports sur des sujets précis, mais aussi avec les institutions internationales, FMI, Banque mondiale…qui ont fourni leur expertise. Une intense activité a été déployée tout au long de cette année. De nouveaux chantiers ont été ouverts, comme celui de l’alimentation, qui, jusqu’à présent, n’avaient pas été traités dans le cadre du G20. Cette effervescence qui semble avoir fatigué et irrité certains pays, qui ce serait contentés d’un schéma de travail plus classique, sera t-elle payante ?
Il est difficile de répondre à cette question tant les jeux sont ouverts dans ce type de négociation, jusqu’au dernier moment. Mais on peut, d’ores et déjà, affirmer que trois incertitudes pèsent sur le déroulement du G20.
La première est que l’approche française suppose une vision du G20 qui est loin d’être partagée. La plupart des pays, en particulier la Chine, veulent garder les mains libres et ne souhaitent pas prendre d’engagements contraignants. C’est apparu très clairement à Séoul, lorsque la Chine s’est opposée très fermement à l’initiative américaine proposant de contenir dans certaines limites, les excédents et les déficits commerciaux.
La France veut faire évoluer le G20, comme un véritable organisme de régulation mondiale et pour cela elle propose de le doter d’un secrétariat permanent, qui en assurerait l’animation.
De nombreux pays, membres du G20, sont hostiles à cette perspective et restent attachés à la diplomatie de club, informelle et non contraignante. La crise et son approfondissement, peut elle changer cette perception ? Les Etats peuvent-ils éprouver la nécessité de disposer d’un véritable outil de régulation permettant de résorber les graves déséquilibres qui menacent le monde ? On aimerait le croire, mais rien n’est moins assuré !
La deuxième incertitude concerne l’état des négociations qui paraissent bloquées dans de nombreux domaines. S’agissant des changes, il est peu probable que des progrès substantiels puissent être enregistrés. Le G20 de Séoul, marqué par l’affrontement entre la Chine et les Etats Unis, semble avoir figé les positions pour un temps. Si la Chine est consciente de la nécessité de réévaluer sa monnaie et de la rendre convertible, elle entend le faire à son rythme et, en tous les cas, pas sous la contrainte. Quant aux Etats Unis, on ne les voit pas se lancer dans une politique d’appréciation monétaire, compte tenu des difficultés économiques que ce pays connaît, même si leur modèle de développement est à bout de souffle. Au total, la négociation devrait s’achever par l’élargissement du panier de monnaie, au yuan, notamment, qui forme les droits de tirage spéciaux (DTS). S’il faut saluer cette avancée, on est loin, cependant, de la refonte du système monétaire international annoncée ! Au demeurant, l’Europe aurait intérêt, face à cette situation bloquée, à s’interroger sur une véritable politique de change concernant sa monnaie. On ne voit pas pourquoi l’Europe, en effet, se priverait d’une politique monétaire accommodante, alors que d’autres la pratiquent allègrement.
En matière de régulation des marchés financiers, non plus, il ne faudra pas attendre des résultats spectaculaires. Pour une raison simple ; chacun essaye de préserver son avantage compétitif dans ce domaine. Les Etats Unis, qui, il faut le souligner, ont adopté une loi, le Dodd-Franck act, très contraignante, hésite à l’appliquer car ils redoutent la concurrence de l’Europe. A l’opposé les Européens, dont la France, font preuve d’une grande timidité, notamment, dans l’application des normes de Bâle 3 –il est vrai que les Etats Unis n’ont jamais appliqué Bâle 2- ou dans la mise en œuvre de la nécessaire séparation des activités de dépôt et de trading, car ils veulent préserver leurs banques universelles. Cette suspicion réciproque, chacun redoutant le dumping réglementaire de l’autre, mène à l’attentisme. Il est d’ores et déjà acquis que ce sommet ne permettra pas de créer la taxe sur les transactions financières voulue par la plupart des Européens, les Etats Unis s’y opposant catégoriquement. Reste un certain nombre de sujets, comme le shadow bancking, qui peuvent conduire à des avancées.
Finalement, le domaine dans lequel des résultats significatifs sont à attendre concerne la régulation des matières premières et des produits alimentaires. Le Conseil des ministres de l’agriculture que s’est tenu, préalablement au G20, a montré qu’il était possible de progresser, dans une meilleure transparence et régulation des marchés. Il a surtout amené à une prise de conscience de la nécessité de relancer fortement la production agricole dans le monde, pour faire face au défi démographique.
La dernière incertitude qui pèse sur ce G20, concerne la situation de l’Europe. La crise de l’euro et des banques européennes qui s’est accentuée cet été, ne place pas les Européens et en particulier la France, qui préside le G20, dans une bonne posture pour « emballer » la négociation. Il est difficile de revendiquer un leadership quand on est, soi même, en situation d’accusé.
Les Etats Unis semblent l’avoir compris, en dépêchant leur secrétaire d’Etat au trésor à la dernière réunion de l’euro-groupe, manière de bien souligner les difficultés dans lesquelles se débattent les Européens ! Ceci dit, la récente dégradation de la note américaine, ne donne pas à ce pays de droit particulier à faire la leçon aux autres. Hormis les émergents, le cénacle des dirigeants de ce monde ressemble plus à une bande d’éclopés qu’à une équipe conquérante ! Mais, il est clair que la crise interminable de l’euro risque d’impacter les capacités d’entraînement des responsables européens, à commencer par celles de notre cher Président !
Il est donc difficile de prévoir ce qui va se passer en novembre prochain. Le plus probable est que ce G20 soit une étape dans la longue et laborieuse reconstruction d’un monde qui connaît une crise et une mutation profondes.