La crise de l’euro débouchera t-elle sur une véritable intégration politique de l’Europe, autour d’institutions communautaires renforcées ? Cette hypothèse qui paraissait, il y a peu, inenvisageable est en train de prendre corps. Dans l’entretien qu’elle a donné au journal « Le Monde », daté d’aujourd’hui, Angela Merkel se prononce, sans ambiguïté, pour une « Union politique » dans laquelle « davantage de compétences seront transférées à la Commission qui fonctionnera alors comme un gouvernement européen pour les compétences européennes ». Elle ajoute ; « cela implique un Parlement (européen) fort. Le Conseil qui réunit les chefs de gouvernement formera pour ainsi dire la deuxième chambre ».
L’air de rien, cette déclaration, qui se situe dans la continuation de la ligne adoptée par la CSU lors de son congrès, est une petite révolution. Il y a peu encore, en effet, Madame Merkel et ses amis, ne voyaient de salut européen que dans le dialogue entre les nations, privilégiant la méthode intergouvernementale. L’échec du traité européen avait sonné le glas de l’Europe fédéral et de ses institutions « éloignées des réalités nationales ». C’est un tout autre langage que tiennent aujourd’hui la Chancelière et son parti qui font, désormais, l’éloge d’une Europe fédérale, allant jusqu’à envisager l’élection du Président de la Commission européenne au suffrage universel direct au sein de l’Union.
Comment expliquer ce revirement inattendu ? Il faut, probablement y voir une conséquence de la situation politique intérieure de l’Allemagne. La coalition CDU-FDP est, en effet, très affaiblie, le FDP (Parti libéral) ayant perdu toute crédibilité. Madame Merkel a, manifestement, fait son deuil de cette coalition et recherche de nouveaux alliés. Elle semble avoir jeté son dévolu sur le parti des Verts dont l’évolution idéologique, notamment sur le plan économique (ils sont convertis à une discipline budgétaire stricte), peut permettre un rapprochement avec les conservateurs. D’où la décision prise par la Chancelière d’anticiper une sortie du nucléaire, d’où, également, le changement de pied sur l’Europe. Les Verts allemands sont, en effet, très attachés à une vision fédérale de l’Europe. Ils défendent un accroissement des compétences de la Commission et du Parlement européen ainsi qu’une augmentation significative du budget européen. En adoptant une position fédéraliste sur l’Europe, Madame Merkel est ses amis se rapprochent des Verts qui seront une des clés de la prochaine coalition. Ajoutons que le SPD s’est également aligné sur cette position.
Reste que ce « tournant » interpelle les autres partenaires européens et, en particulier, la France. Celle-ci aurait tort d’ignorer cette offre de construction d’une Europe intégrée qui est, en définitive, la seule réponse crédible et pérenne à la crise de l’euro (l’autre étant son démantèlement). Dans la recherche d’un nouveau pacte, plus équilibré entre discipline budgétaire et relance de la croissance avec l’Allemagne la France devrait s’engager sans réserve sur la voie du fédéralisme. L’Allemagne bouge, bougeons avec elle !