Tribune publiée dans Le Monde.fr / 25.04.2014 - Par Christophe Caresche
Le vote du programme de stabilité intégrant le plan d'économies présenté par le gouvernement sera pour la majorité un moment de vérité. Une partie de la gauche vit l'annonce de ces mesures comme un renoncement, alors qu'elles constituent une réponse pertinente aux défis qui assaillent la France. Pour ne pas avoir suffisamment intégré les changements profonds liés à la mondialisation de l'économie lorsqu'elle était dans l'opposition, la gauche au pouvoir se retrouve confrontée à un choix qui engage les trois prochaines années.
Ce choix concerne tout d'abord l'Europe. L'Union européenne et la France connaissent une crise de légitimité croisée. Les maux sont réciproques. L'Europe souffre d'une France qui a trop longtemps retardé un nécessaire processus de réformes. La France souffre d'une Europe trop longtemps orientée vers des politiques non coopératives et néolibérales. Dans ce contexte, la réorientation de l'Europe va de pair avec la volonté de réformer la France. Opposer les deux objectifs dans une « confrontation » ou « un bras de fer » ne peut que déboucher sur la désillusion et l'isolement de la France.
C'est particulièrement vrai du respect de l'objectif de retour au 3% de déficit public inscrit dans le pacte de stabilité, que la France a accepté et qu'elle doit respecter. Aucun de nos partenaires européens ne peut comprendre la remise en cause de nos engagements dans ce domaine comme une volonté de réorienter l'Europe, mais ils l'interpréteront comme la tentation de nous soustraire, une fois de plus, à nos obligations ! Depuis 2004, la France n'a cessé de remettre à plus tard le respect du pacte de stabilité. Disons clairement que dans ce domaine notre pays a épuisé son crédit, y compris auprès des pays du Sud qui ont procédé à une contraction budgétaire brutale sans bénéficier des conditions d'emprunt très avantageuses de la France.
Impérieuse nécessité
Au demeurant, l'assainissement de ses finances publiques n'est pas une option pour la France. C'est une impérieuse nécessité si elle veut continuer à emprunter aux conditions actuelles. Avec une dette s'approchant dangereusement des 100% du PIB et détenue en grande partie par des investisseurs étrangers, la France n'a pas les moyens d'assumer un brusque retournement de la confiance. Il convient, en revanche, d'être exigeant sur les conditions nécessaires au retour de la croissance en Europe. Une politique monétaire plus accommodante doit être engagée pour prévenir le risque de déflation. Les pays qui disposent de forts excédents commerciaux, comme l'Allemagne, doivent participer activement au soutien de la demande en Europe en favorisant le pouvoir d'achat et l'investissement public chez eux.
Le choix que devront faire les parlementaires concerne également la stratégie économique de retour à la croissance. C'est à tort que certains réduisent le plan présenté par le gouvernement à de l'austérité. Il ne s'agit pas de combler mécaniquement les déficits par un simple transfert des économies réalisées sur la dépense publique. Ce plan a pour objectif d'accompagner et d'amplifier le retour à la croissance en France, qui seul permettra de rétablir durablement la situation des finances publiques. Pour cela, il affecte une partie des marges de manœuvre budgétaires dégagées par la diminution de la dépense publique principalement aux entreprises, pour restaurer leurs marges et leur compétitivité.
Cette politique dite « de l'offre » est contestée. Elle est pourtant pertinente dans une économie ouverte où une relance par la demande se traduirait par une hausse immédiate des importations et ferait long feu. C'est en dopant l'investissement que l'économie française pourra retrouver le chemin d'une croissance durable.
Choix nouveau
Beaucoup de français sont prêts à approuver cette orientation, même si elle se traduit par certains efforts les concernant. Ils ont compris que le monde avait changé et que ce qui était vrai hier ne l'est plus aujourd'hui.
Le plan présenté par le gouvernement représente enfin un choix nouveau en matière budgétaire. Il repose entièrement sur la réduction de la dépense publique et non plus sur la hausse des impôts qui était traditionnellement le moyen utilisé pour combler les déficits. Ce changement est, certes, dicté par le niveau très élevé des prélèvements obligatoires dans notre pays, mais il est aussi un choix structurel puisque l'intention est de baisser, le plus rapidement possible, les impôts des ménages comme des entreprises.
L'expérience tirée de certains pays comme la Suède montre que la réduction des dépenses publiques liée à des baisses d'impôts a un effet bénéfique sur l'activité et la croissance. Elle permet en outre de redonner confiance aux entreprises comme aux ménages qui ne cessent d'anticiper d'éventuelles hausses d'impôts pour faire face à l'augmentation des dépenses de l'Etat. Mais il est vrai que la réduction des dépenses publiques ne saurait se limiter au « rabotage » de certaines prestations sociales, et doit s'accompagner d'une véritable réflexion sur les missions de l'Etat et sur l'évolution de notre modèle social qui pourrait être plus performant et moins couteux.
Le plan du gouvernement représente incontestablement un changement d'approche. Il confirme et amplifie le cap fixé par le président de la République, après la publication du rapport Gallois. Sa réussite reposera beaucoup sur le retour de la confiance et, donc, sur la capacité de la majorité à l'assumer et à le porter devant les français. Telle est sa responsabilité.